Le crime de dommage à la propriété dans le droit turc
1. Introduction
Le crime de dommage à la propriété constitue une atteinte directe aux droits de propriété des individus et menace l’ordre social et la stabilité économique. Le crime de dommage à la propriété, qui occupe également une place importante dans le Code pénal turc, vise à protéger les valeurs de propriété des individus.
Cet article examinera le cadre juridique, les éléments et les formes aggravées du crime de dommage à la propriété. De plus, la place de ce crime dans le Code pénal turc, ses sanctions pénales, sa relation avec d’autres crimes, s’il est soumis à plainte et s’il peut être commis par négligence seront discutés.
2. Définition et éléments du crime de dommage à la propriété
Le crime de dommage à la propriété est, dans sa définition la plus générale, l’acte de détruire partiellement ou totalement, d’endommager, de rendre inutilisable ou de polluer des biens mobiliers ou immobiliers appartenant à une autre personne.
Les éléments essentiels de ce crime sont :
a) Élément matériel
L’élément matériel du crime est l’acte de causer des dommages à la propriété. Cet acte doit être effectué par un mouvement actif. Par exemple, briser une vitre de voiture, écrire sur le mur d’une maison ou infecter un ordinateur avec un virus sont considérés comme des actes entrant dans ce cadre.
b) Élément moral
Le crime de dommage à la propriété ne peut être commis qu’avec intention. L’auteur doit avoir l’intention d’endommager la propriété et prévoir le résultat. Il peut également être commis avec une intention éventuelle, ce qui signifie que l’auteur ne tient pas compte du fait que des dommages en résulteront.
Le crime de dommage à la propriété ne peut pas être commis par négligence, car il implique l’intention de causer des dommages. Dans les crimes commis par négligence, le résultat n’est pas réellement souhaité.
Dans l’une de ses décisions, la Cour suprême a déclaré que la négligence n’est pas possible dans le crime de dommage à la propriété :
“(…) l’intention des accusés était de blesser le plaignant, et il n’y avait aucune preuve qu’ils aient agi avec l’intention d’endommager le téléphone, ni qu’ils aient pu prévoir les dommages au téléphone ; par conséquent, l’acte est resté au niveau de la négligence, et comme le crime de dommage à la propriété ne peut pas être commis par négligence, la condamnation au lieu de l’acquittement des accusés pour le crime de dommage à la propriété, qui ne répondait pas aux éléments légaux, a été jugée illégale (…)”
DEUXIÈME CHAMBRE CRIMINELLE, Affaire n° : 2022/15491, Décision n° : 2023/1402, Date : 21.03.2023
Dans une autre décision, la Cour suprême a souligné que le crime de dommage à la propriété doit être commis intentionnellement, et sinon, aucune peine ne doit être imposée. Elle a confirmé une décision de tribunal stipulant que pour qu’une peine soit imposée pour le crime de dommage à la propriété, l’acte doit être intentionnel :
“(…) Dans l’incident où l’arbre appartenant au plaignant a été déraciné par le défendeur en raison de sa position sous les lignes électriques lors du renouvellement des poteaux électriques par les responsables de TEDAŞ (Société Anonyme de Distribution d’Électricité de Turquie), le tribunal a constaté que le défendeur n’avait pas l’intention de commettre le crime de dommage à la propriété. Le but du défendeur était d’aider au renouvellement des poteaux électriques, et comme l’arbre a été déraciné pour éviter de nuire aux personnes, la conclusion du tribunal selon laquelle l’élément d’intention dans le crime de dommage à la propriété était absent n’a pas été jugée erronée (…)”
QUINZIÈME CHAMBRE CRIMINELLE, Affaire n° : 2013/14438, Décision n° : 2013/14553, Date : 01.10.2013
3. Le crime de dommage à la propriété dans le Code pénal turc
Dans le Code pénal turc, le crime de dommage à la propriété est réglementé dans la Dixième Section, intitulée “Crimes contre la propriété”, à l’article 151. Cet article couvre la forme de base et les formes aggravées du crime.
Selon l’article 151/1 du CPT : “Une personne qui détruit partiellement ou totalement, endommage, rend inutilisable ou pollue le bien mobilier ou immobilier d’une autre personne sera punie, sur plainte de la victime, d’un emprisonnement de 4 mois à 3 ans ou d’une amende judiciaire.”
Les points clés liés à cette disposition sont :
a) Peine facultative
Le législateur a introduit une peine facultative pour offrir une flexibilité au juge dans la détermination de la sentence. Le juge peut imposer soit un emprisonnement, soit une amende judiciaire selon les spécificités de l’affaire.
b) Montant des dommages requis pour le crime
La loi ne spécifie pas un montant particulier de dommages requis pour que le crime se produise. Par conséquent, le crime peut se produire quelle que soit l’étendue des dommages. Cependant, le montant des dommages est pris en compte lors de la détermination de la peine.
c) Protection des droits de propriété
Par cette réglementation, le législateur vise à protéger le droit de propriété garanti par l’article 35 de la Constitution.
4. Formes aggravées du crime de dommage à la propriété
L’article 152 du Code pénal turc réglemente les formes aggravées du crime de dommage à la propriété. Ces formes incluent des situations qui justifient des peines plus lourdes.
a) Formes aggravées (CPT m.152/1)
- Si le crime est commis contre des biens appartenant à des institutions publiques ou alloués au service public ou à l’usage public.
- Si le crime est commis contre des biens ou des installations alloués à la protection contre les incendies, les inondations ou d’autres catastrophes naturelles.
- Si le crime est commis contre des arbres sur pied, des plants ou des vignes, à l’exception des forêts d’État.
- Si le crime est commis contre des installations d’irrigation, des systèmes d’approvisionnement en eau ou des structures conçues pour la protection contre les catastrophes.
- Si le crime est commis contre des biens appartenant ou utilisés par des employeurs ou des employés, ou par des syndicats pendant une grève ou un lock-out.
- Si le crime est commis contre des biens appartenant ou utilisés par des partis politiques, des organisations professionnelles ayant le statut d’institution publique ou leurs organisations de niveau supérieur.
- Si le crime est commis dans le but de se venger d’un fonctionnaire public en raison de ses fonctions officielles, même après que le fonctionnaire a quitté son poste.
b) Facteurs aggravants (CPT m.152/2)
- Si le crime est commis en mettant le feu ou en utilisant des substances explosives ou inflammables,
- Si le crime est commis en provoquant des glissements de terrain, des avalanches, des inondations ou des catastrophes similaires,
- Si le crime est commis en exposant le bien à des radiations ou en utilisant des armes nucléaires, biologiques ou chimiques,
- Si le crime est commis contre des lieux de culte ou des cimetières,
c) Augmentation des peines
Dans les cas aggravés, les peines sont augmentées et le crime est enquêté d’office. Par exemple, dans les cas relevant du CPT m.152/1, la peine va de 1 à 4 ans d’emprisonnement, et dans les cas relevant du CPT m.152/2, la peine est doublée.
Dans les cas où les dommages perturbent les services de communication, d’énergie ou de transport, la peine peut être augmentée de moitié ou jusqu’à deux fois.
Ces formes aggravées assurent des peines plus lourdes en tenant compte de l’impact du crime sur la société, de la motivation de l’auteur et des méthodes dangereuses utilisées.
5. Sanctions pénales et conséquences juridiques
Les sanctions pénales et les conséquences juridiques du crime de dommage à la propriété peuvent être résumées comme suit :
a) Sanctions pénales
- Forme simple (CPT m.151/1) : Emprisonnement de 4 mois à 3 ans ou amende judiciaire.
- Formes aggravées (CPT m.152/1) : Emprisonnement de 1 à 4 ans.
- Facteurs aggravants (CPT m.152/2) : La peine est doublée.
b) Remords effectif (CPT m.168)
- Si l’auteur, l’instigateur ou le complice compense la perte de la victime en restaurant ou en indemnisant le dommage, une réduction de peine peut être appliquée.
- Le taux de réduction de la peine varie selon le moment où le dommage est compensé (jusqu’à 2/3 avant l’enquête, jusqu’à 1/2 pendant le procès).
c) Responsabilité de compensation
- L’auteur est obligé d’indemniser la victime pour le dommage selon les dispositions du Code des obligations turc.
- Le montant de la compensation est généralement calculé sur la base de la valeur du bien au moment du dommage.
d) Médiation
- La forme simple du crime de dommage à la propriété est soumise à médiation.
- Si les parties parviennent à un accord, aucune poursuite publique ne sera engagée, ou si un cas a déjà été déposé, il sera rejeté.
e) Prescription
- Le délai de prescription pour intenter une action en justice pour la forme simple du crime est de 8 ans (CPT m.66).
- Le délai de prescription pour l’exécution de la peine est de 10 ans (CPT m.68).
f) Casier judiciaire
- En cas de condamnation pour le crime de dommage à la propriété, le jugement est inscrit au casier judiciaire.
- Cette inscription peut être effacée après une certaine période de temps (Loi sur le casier judiciaire m.12).
g) Autres conséquences juridiques
- Des sanctions disciplinaires ou le licenciement peuvent être appliqués pour les fonctionnaires.
- Cela peut être un obstacle pour entrer dans certaines professions ou obtenir des licences.
6. Relation entre le crime de dommage à la propriété et d’autres crimes
Le crime de dommage à la propriété peut être lié ou confondu avec d’autres crimes dans diverses situations. Cette section examinera ces relations et les caractéristiques distinctives :
a) Relation avec le vol
Dans le vol, le but est de voler le bien, tandis que dans le dommage à la propriété, le but est de causer des dommages. Parfois, des dommages à la propriété peuvent se produire pendant un vol (par exemple, briser une fenêtre pour entrer dans une maison). Dans de tels cas, les règles de concours idéal s’appliquent, et la peine est imposée pour le crime qui requiert une peine plus lourde.
b) Relation avec le vol qualifié
Dans le vol qualifié, la force ou les menaces sont utilisées pour prendre des biens, et des dommages à la propriété peuvent se produire. Dans de tels cas, c’est considéré dans le cadre du vol qualifié, et aucune peine supplémentaire n’est imposée pour les dommages à la propriété.
c) Relation avec l’abus de confiance
Dans l’abus de confiance, l’auteur utilise ou endommage le bien qui lui a été confié dans un but différent. Dans le dommage à la propriété, l’auteur cause des dommages à un bien en possession d’autrui.
d) Relation avec les dommages aux biens publics
Les dommages aux biens publics, réglementés par le CPT m.152/1-a, sont l’une des formes aggravées du dommage à la propriété. Lorsque des biens appartenant à des institutions publiques sont endommagés, le CPT impose une peine plus lourde. Les dommages aux biens publics sont enquêtés d’office.
e) Relation avec la pollution de l’environnement
Le crime de pollution de l’environnement (CPT m.181) implique généralement de causer des dommages à l’environnement. Le dommage à la propriété, quant à lui, implique des actes contre des biens spécifiques. Dans certains cas, un acte peut constituer à la fois un dommage à la propriété et une pollution de l’environnement.
f) Relation avec l’incendie criminel
L’incendie criminel (CPT m.170) est classé comme un crime mettant en danger la sécurité publique. Si le dommage à la propriété est commis en mettant le feu, le crime d’incendie criminel peut également se produire.
g) Relation avec les dommages aux systèmes d’information
Les actes d’endommagement des systèmes d’information sont spécifiquement réglementés par le CPT m.244. Dans de tels cas, cette disposition spéciale est appliquée.
Comment le crime de dommage à la propriété est-il prouvé ?
Le crime de dommage à la propriété est généralement prouvé par la plainte de la victime et la collecte de preuves.
Preuves qui peuvent être utilisées pour la preuve :
- Témoignages oculaires : Les déclarations de personnes ayant été témoins de l’événement peuvent fournir des informations importantes sur l’identité de l’auteur et ce qui s’est passé pendant l’incident.
- Enregistrements de caméras : Les images de caméras de sécurité de la scène ou à proximité peuvent servir de preuve solide en montrant clairement l’acte de commission du crime.
- Rapports d’experts : Les rapports d’experts, en particulier sur les questions techniques liées aux dommages causés à la propriété, fournissent des informations détaillées sur la façon dont les dommages se sont produits et quels dommages matériels ont été causés.
- Photographies et vidéos : Les photos et vidéos prises immédiatement après l’événement peuvent fournir des preuves visuelles sur l’état du bien endommagé et la scène.
- Changements dans l’état du bien : La différence entre l’état précédent et l’état post-événement du bien endommagé fournit des informations sur la nature et l’étendue des dommages.
- Instrument du crime : Si un outil ou un objet utilisé dans la commission du crime est trouvé, il peut également constituer une preuve significative.
Dans l’une de ses décisions, la Cour suprême a souligné l’importance de la preuve dans l’occurrence du crime de dommage à la propriété et a annulé une décision qui avait abouti à une condamnation malgré une preuve insuffisante des dommages :
“(…) Le but principal de la procédure pénale est d’atteindre la vérité. Il n’est pas approprié de rendre un verdict basé sur des suppositions. Dans le cas présent, il n’y a aucune preuve que des dommages se soient produits sur le bus municipal. Conformément à l’article 223/2-e du Code de procédure pénale, les défendeurs auraient dû être acquittés du crime de dommage à la propriété. Le fait de ne pas le faire et de prononcer une condamnation nécessite l’annulation de la décision (…)”
QUINZIÈME CHAMBRE CRIMINELLE, Affaire n° : 2015/4277, Décision n° : 2015/29631, Date : 07.10.2015
Le crime de dommage à la propriété est-il soumis à plainte ?
Le crime de dommage à la propriété est soumis à plainte dans sa forme simple. La victime peut déposer une plainte en se rendant à la police ou au bureau du procureur. Après la plainte, le bureau du procureur ouvrira une enquête et recueillera des preuves. Sur la base des preuves recueillies, une affaire sera déposée et évaluée au tribunal.
De plus, si les formes aggravées du crime de dommage à la propriété sont présentes, aucune plainte n’est requise pour qu’une enquête soit ouverte. Par exemple, si des dommages sont causés à des biens appartenant à une institution publique, une enquête sera ouverte automatiquement.
Une exception à l’exigence de plainte dans le crime de dommage à la propriété est que même si le crime est aggravé, une plainte est requise s’il est commis contre un parent spécifié dans l’article 167/2 du CPT. Par exemple, si une personne endommage la voiture de son oncle en y mettant le feu, une plainte de l’oncle est nécessaire pour enquêter sur l’acte.
Droit et délai pour déposer une plainte
La poursuite du crime de dommage à la propriété dépend du dépôt d’une plainte par la victime dans les 6 mois suivant la connaissance du crime et de l’auteur (CPT m.73/1). Si la plainte n’est pas déposée dans ce délai, le droit de porter plainte expire et aucune autre action ne peut être entreprise.
Retrait d’une plainte
Dans le cas de dommages à la propriété, si la plainte est retirée, l’affaire sera rejetée. Cependant, si la plainte est retirée après qu’un verdict a été rendu, cela n’empêche pas l’exécution de la peine.
Si le crime est commis par plusieurs personnes et que la plainte est retirée, tous ceux impliqués dans le crime bénéficieront du retrait.
Dans l’une de ses décisions, la Cour suprême a annulé une décision de tribunal qui avait rejeté une affaire en raison d’une plainte retirée, malgré le fait que le crime était l’une des formes aggravées qui ne nécessitent pas de plainte :
“(…) Il a été allégué que le défendeur a mis le feu au coffre d’un véhicule stationné appartenant au plaignant. Le crime en question constitue la forme aggravée du crime de dommage à la propriété selon l’article 152/2-a du CPT, qui n’est pas soumis à plainte. Le rejet de l’affaire basé sur le retrait de la plainte par le plaignant en vertu de l’article 151/1 du CPT a nécessité l’annulation de la décision (…)”
VINGT-TROISIÈME CHAMBRE CRIMINELLE, Affaire n° : 2016/5410, Décision n° : 2016/8036, Date : 21.06.2016
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