
Les Actions en Garde d’Enfants en Turquie | 2025
En Turquie, le droit de la garde est régi par le Code civil turc (Türk Medeni Kanunu), qui établit le cadre pour déterminer les droits et responsabilités parentaux suite à un divorce ou une séparation. Le concept de garde, connu sous le nom de « velayet » dans la terminologie juridique turque, a considérablement évolué au cours des dernières décennies, passant de modèles patriarcaux traditionnels à une approche plus centrée sur l’enfant.
Dans cet article, nous donnerons en tant que Cabinet d’Avocats Soylu des informations détaillées sur les procédures de garde d’enfants en Turquie pour nos clients français
Cadre juridique
Dispositions du Code civil turc
Le Code civil turc (Loi n° 4721) définit la garde (velayet) comme les droits et responsabilités des parents concernant leurs enfants mineurs. Selon l’article 335, « Les enfants mineurs sont sous la garde de leurs parents. La garde ne peut être retirée aux parents sans cause légale. » Cette disposition établit la garde parentale à la fois comme un droit et une obligation.
Les responsabilités légales englobées dans la garde incluent les soins de l’enfant, l’éducation, la représentation et la gestion des biens de l’enfant. Les parents exerçant la garde doivent prioriser l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions concernant le développement physique, intellectuel, moral et social de l’enfant.
La révision de 2001 du Code civil a marqué un changement significatif dans le droit turc de la garde, éliminant les préférences basées sur le genre et établissant l’égalité entre mères et pères dans les déterminations de garde.
Types de garde en Turquie
Le système juridique turc favorise traditionnellement les arrangements de garde exclusive (tek velayet), où un parent se voit accorder la garde légale et physique complète tandis que l’autre maintient les droits de visite et les obligations de soutien financier. Malgré les tendances internationales vers la parentalité partagée, la garde conjointe (ortak velayet) reste relativement rare dans la pratique turque, bien que les décisions judiciaires récentes aient montré une plus grande ouverture à cet arrangement.
Pendant les procédures de divorce en cours, les tribunaux émettent généralement des ordonnances de garde temporaire (geçici velayet) pour établir des arrangements provisoires jusqu’au jugement final. Ces ordonnances temporaires servent souvent de précédents importants pour la détermination finale de la garde.
Il est important de distinguer entre la garde et la tutelle (vesayet), qui s’applique lorsque les parents sont incapables d’exercer la garde en raison de décès, d’incapacité ou de disqualification légale. La tutelle peut être accordée à des parents ou à d’autres personnes appropriées lorsque la garde n’est pas une option.
Processus de détermination de la garde
Processus judiciaire
Les affaires de garde en Turquie relèvent de la juridiction des Tribunaux de la famille (Aile Mahkemeleri) dans les endroits où ces tribunaux spécialisés existent. Dans les zones sans Tribunaux de la famille dédiés, les Tribunaux civils de première instance (Asliye Hukuk Mahkemeleri) traitent les questions de garde tout en fonctionnant comme tribunaux de la famille.
Selon l’article 382 de la Loi de procédure civile, les affaires impliquant des modifications de garde sont classées comme « affaires judiciaires non contentieuses » (çekişmesiz yargı işleri), ce qui affecte les aspects procéduraux tels que la détermination du lieu. Cette classification permet au parent pétitionnaire de déposer l’affaire soit dans son propre lieu de résidence soit dans la juridiction du défendeur.
Les procédures de garde suivent les règles de procédure simplifiée (basit yargılama usulü) plutôt que la procédure écrite, permettant une résolution plus expéditive. Cependant, malgré cet avantage procédural, les disputes de garde s’étendent souvent sur plusieurs mois en raison des arriérés de tribunaux et des évaluations d’experts requises.
Facteurs considérés dans les décisions de garde
Les tribunaux turcs appliquent le principe général de « l’intérêt supérieur de l’enfant » (çocuğun üstün yararı) lors de la détermination des arrangements de garde. Cette norme internationalement reconnue nécessite une évaluation individualisée des circonstances spécifiques de chaque enfant plutôt que d’appliquer des règles rigides ou des présomptions.
Parmi les facteurs pesés par les juges, l’âge et les besoins de développement de l’enfant jouent un rôle significatif. Les tribunaux turcs ont traditionnellement montré une préférence pour la garde maternelle pour les très jeunes enfants (généralement de moins de 7 ans), reconnaissant l’importance du lien maternel et des soins pendant les étapes de développement précoce.
Pour les enfants plus âgés qui ont atteint « l’âge de discernement » (idrak yaşı), les tribunaux sont obligés de considérer les propres préférences de l’enfant. La Cour de cassation turque (Yargıtay) reconnaît généralement les enfants de 8 ans et plus comme ayant une maturité suffisante pour exprimer des préférences significatives concernant la garde, bien que ce seuil puisse varier selon l’évaluation individuelle.
Les tribunaux évaluent également les conditions de vie des parents, la stabilité financière, le caractère moral et la capacité démontrée à répondre aux besoins physiques et émotionnels de l’enfant. Cette évaluation implique souvent des rapports d’enquête sociale (sosyal inceleme raporu) préparés par des experts nommés par le tribunal, incluant des psychologues, des pédagogues et des travailleurs sociaux qui interrogent les membres de la famille et observent les interactions parent-enfant.
Facteurs pesés dans les décisions de garde par groupes d’âge
Groupe d’âge | Facteurs principaux considérés |
---|---|
Nourrissons (0-3 ans) | • Le lien maternel est priorisé
– Historique du soignant principal – Besoins d’allaitement – Stabilité de la routine – Disponibilité du parent – Soutien de la famille élargie |
Préscolaire (4-6 ans) | • Relations d’attachement
– Continuité des soins – Capacité du parent à favoriser le développement – Sécurité de l’environnement familial – Proximité de la maternelle – Opportunités de socialisation |
École primaire (7-12 ans) | • Préférence de l’enfant (surtout après 8 ans)
– Stabilité éducative – Connexions sociales – Implication du parent dans l’éducation – Éducation morale/religieuse – Besoins spécifiques au genre |
Adolescents (13-17 ans) | • Préférence claire de l’enfant prise en compte
– Considérations de genre – Autorité parentale – Continuité scolaire – Ajustement psychologique – Flexibilité du parent avec l’indépendance |
Considérations spéciales | • Handicaps/problèmes de santé : besoins de soins spécialisés
– Fratrie : les garder ensemble – Besoins culturels/religieux – Cas de conflit élevé : capacité de coopération – Violence domestique : préoccupations de sécurité |
Modification des arrangements de garde
Motifs de modification
Le droit turc reconnaît que les arrangements de garde peuvent nécessiter une modification lorsque les circonstances changent. L’article 183 du Code civil mentionne spécifiquement plusieurs motifs qui peuvent nécessiter des changements de garde, incluant « le remariage du parent, la relocalisation ou le décès. » Cependant, cette liste n’est pas exhaustive, et les tribunaux peuvent considérer d’autres changements significatifs affectant le bien-être de l’enfant.
Pour que les demandes de modification de garde réussissent, le pétitionnaire doit démontrer que l’arrangement existant ne sert plus l’intérêt supérieur de l’enfant en raison de changements substantiels de circonstances. Montrer simplement des conditions améliorées dans la situation du parent non gardien est généralement insuffisant sans preuve correspondante de déficiences dans l’arrangement de garde actuel.
Les tribunaux scrutent attentivement les demandes impliquant les nouvelles relations ou le remariage du parent gardien, car ces facteurs seuls ne justifient pas automatiquement une modification. Seulement lorsque la nouvelle relation impacte démonstrément négativement le bien-être de l’enfant les tribunaux la considéreront comme motif de changement de garde.
Procédure légale pour la modification de garde
Le processus de modification de garde commence par le dépôt d’une pétition pour changement de garde (velayet değişikliği davası) auprès du tribunal de la famille compétent. Cette pétition doit spécifier les circonstances changées justifiant la modification et inclure des preuves à l’appui.
Pendant les procédures, les tribunaux ordonnent souvent de nouvelles évaluations d’experts et rapports d’enquête sociale pour évaluer les conditions actuelles. Le fardeau de la preuve repose sur le parent cherchant la modification pour démontrer à la fois les circonstances changées et comment l’arrangement proposé sert mieux les intérêts de l’enfant.
Les affaires de modification de garde nécessitent généralement 3-6 mois pour résolution, bien que les cas complexes impliquant plusieurs rapports d’experts ou des questions juridictionnelles puissent s’étendre plus longtemps. Les décisions de tribunal concernant la modification de garde peuvent être portées en appel devant les tribunaux supérieurs, incluant les cours d’appel régionales et finalement la Cour de cassation.
Exécution des ordonnances de garde
Défis d’implémentation
Malgré des cadres juridiques clairs, l’exécution des décisions de garde présente des défis significatifs dans le système turc. Les parents non conformes peuvent résister aux ordonnances de tribunal en refusant les droits de visite, obstruant la communication, ou dans des cas plus extrêmes, déménageant avec l’enfant sans autorisation.
La procédure d’exécution (icra) pour les décisions de garde implique des bureaux d’exécution spécialisés avec l’autorité d’implémenter les ordonnances de tribunal, incluant le transfert de la garde physique. Cependant, ces exécutions s’avèrent souvent difficiles et émotionnellement traumatisantes pour les enfants, amenant les tribunaux à préférer des approches graduées quand possible.
Le droit turc prévoit des pénalités criminelles pour l’interférence de garde sous certaines circonstances, mais les poursuites se produisent généralement seulement dans les cas sévères d’enlèvement d’enfant ou de violation persistante d’ordonnances de tribunal.
Droits de visite
Les droits de visite (kişisel ilişki kurma hakkı) pour les parents non gardiens sont légalement protégés sous l’article 323 du Code civil, qui stipule que chaque parent « a le droit de maintenir des relations personnelles appropriées avec l’enfant qui n’est pas sous leur garde. »
Les tribunaux établissent généralement des horaires de visite détaillés spécifiant les jours, heures, arrangements de vacances et autres paramètres. Ces horaires visent à assurer un contact parent-enfant significatif tout en minimisant les conflits potentiels entre parents.
Dans les cas impliquant des allégations de violence domestique, d’abus ou de négligence, les tribunaux peuvent ordonner des visites supervisées (gözetim altında kişisel ilişki) pour protéger l’enfant tout en maintenant la relation parent-enfant. Une telle supervision peut être menée par des professionnels de services sociaux ou des membres de famille de confiance désignés par le tribunal.
Aspects internationaux
Application de la Convention de La Haye
La Turquie est officiellement devenue signataire de la Convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants en 2000, établissant des mécanismes importants pour aborder les disputes de garde transfrontalières. L’objectif principal de la convention est d’assurer le retour rapide des enfants illégalement enlevés ou retenus à travers les frontières internationales, plutôt que de déterminer directement les droits de garde.
L’Autorité centrale turque responsable de l’implémentation de la convention est la Direction générale du droit international et des relations étrangères du ministère de la Justice. Cette autorité coordonne avec les homologues étrangers pour faciliter la localisation et le retour des enfants enlevés, bien que les temps de traitement puissent varier significativement selon la complexité du cas et les pays impliqués.
Reconnaissance des décisions de garde étrangères
Les tribunaux turcs suivent généralement le principe de « exequatur » (reconnaissance et exécution des jugements étrangers) concernant les décisions de garde d’autres juridictions. Cependant, cette reconnaissance est conditionnée par plusieurs facteurs incluant la réciprocité entre nations, la juridiction appropriée du tribunal étranger, et la compatibilité avec les normes de politique publique turque.
Les ordonnances de garde étrangères peuvent faire face à des défis dans les tribunaux turcs si elles contredisent les principes fondamentaux du droit de la famille turc ou les dispositions constitutionnelles. Particulièrement sensibles sont les ordonnances qui pourraient être perçues comme menaçant l’identité religieuse ou culturelle de l’enfant, spécialement pour les enfants d’héritage turc.
Considérations culturelles et religieuses
Dans les disputes de garde transfrontalières, les tribunaux turcs placent un accent significatif sur le maintien de la connexion de l’enfant à son héritage culturel et son background religieux. Cette considération peut devenir particulièrement pertinente lorsqu’un parent étranger cherche à relocaliser un enfant turc dans un pays avec des environnements culturels substantiellement différents.
Les tribunaux évaluent souvent la volonté et capacité du parent non-turc à favoriser l’identité turque de l’enfant, incluant le maintien de la langue, les pratiques culturelles et l’éducation religieuse quand pertinente. Ces facteurs peuvent influencer à la fois les déterminations de garde initiales et les décisions concernant les demandes de relocalisation internationale.
Juridiction et loi applicable
Des questions juridictionnelles complexes surgissent souvent dans les disputes de garde internationales impliquant la Turquie. Les tribunaux turcs appliquent généralement la norme de « résidence habituelle » pour déterminer la juridiction, se concentrant sur où l’enfant a principalement vécu plutôt que la nationalité ou la résidence parentale.
Pour les enfants avec double citoyenneté, des complexités additionnelles peuvent émerger, particulièrement lorsque des procédures parallèles existent dans plusieurs pays. Les tribunaux turcs affirment généralement la juridiction lorsque l’enfant est physiquement présent en Turquie et a des connexions significatives au pays, même lorsque des revendications concurrentes existent dans des tribunaux étrangers.
Recours pour enlèvement parental international d’enfants
Lorsqu’un enfant est illégalement enlevé vers ou retenu en Turquie, le parent laissé derrière peut poursuivre des recours à travers à la fois les procédures de la Convention de La Haye et le droit domestique turc. Le processus de la convention se concentre sur le retour de l’enfant plutôt que sur les mérites de la garde, opérant sur le principe que la garde devrait être déterminée dans la résidence habituelle de l’enfant.
L’implémentation de la convention par la Turquie s’est améliorée au fil du temps, bien que des défis demeurent, particulièrement concernant l’exécution des ordonnances de retour et les processus judiciaires longs. Dans les cas impliquant des allégations de violence domestique ou d’abus, les tribunaux turcs appliquent l’exception de « risque grave » de la convention pour évaluer si le retour pourrait exposer l’enfant à un préjudice physique ou psychologique.
Les cas non-convention font face à des obstacles additionnels, car ils doivent procéder à travers les procédures de garde turques standard sans les mécanismes expédiés que la convention fournit. Ces cas nécessitent souvent une navigation prudente à la fois des canaux diplomatiques et des processus légaux pour atteindre une résolution.